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INTÉGRATION DU MODÈLE BIOPSYCHOSOCIAL EN CONSULTATION PÉDIATRIQUE 

*  TIPHAINE JEANNE
Ostéopathe D.O.

*  GUILLAUME MOLINIER 
Ostéopathe D.O.

Résumé 

Cet article propose d’explorer l’apport du modèle Biopsychosocial en consultation pédiatrique dans la compréhension de motifs de consultation et dans la prise de décision thérapeutique.

Le modèle BioPsychoSocial

Depuis les années 80 et l’invitation du psychiatre Georges Engel à dépasser l’approche biomédicale, le modèle biopsychosocial (BPS) s’est peu à peu imposé comme le modèle théorique le plus pertinent pour expliquer les causes de survenue et de maintien de la maladie dans le champ musculosquelettique. Celui-ci propose d’élargir notre compréhension des phénomènes en intégrant les données sociales et psychologiques aux données physiopathologiques qui concentraient jusqu’alors toute notre attention.

Si on prend l’exemple de la douleur, nous savons que l’intensité rapportée par les patients n’est pas toujours corrélée aux atteintes tissulaires. Cette expérience, éminemment subjective, relève plus d’une construction perceptive tenant compte des informations somato-sensorielles, mais également de nos expériences passées, directes ou indirectes, du sens qu’on lui donne ainsi que de la façon dont nous percevons le monde (modèle interne). Notre système nerveux central, sur la base de toutes ces informations, semble évaluer la menace et la douleur pourrait être une invitation à nous protéger du danger. Dès lors, cette dernière, comme tout autre motif de consultation, ne peut être réduite à des considérations patho-anatomiques ou bio-mécaniques.

Le rôle du clinicien

Ces avancées théoriques semblent encore avoir du mal à orienter la pratique dans la plupart des professions de soin.  Une des explications pourrait être la formation initiale qui favorise toujours l’approche biomédicale. Le modèle biopsychosocial suppose également de savoir investiguer puis utiliser des données plus vastes que la physiopathologie, ce qui réclame des connaissances et des compétences élargies, adaptées au public reçu en consultation.

Évaluer la situation

Une des particularités de la consultation pédiatrique réside dans la création d’une relation en « triade » qui positionne les parents ou les autres figures d’attachement comme des   acteurs   importants.   Si nous souhaitons évaluer une situation par le prisme du modèle BPS, il semble indispensable d’explorer les cognitions et les comportements de ces derniers, car ils vont influencer les cognitions et les comportements du patient-enfant. Ainsi, par exemple, certaines pensées catastrophistes et des comportements de protections inadaptés des parents semblent avoir un impact sur l’incapacité liée à la douleur chez l’enfant [1]. Goubert et Simons vont jusqu’à proposer une adaptation du modèle de peur-évitement en incluant les parents [2].

Pour nous guider dans l’évaluation des patients douloureux chroniques, les chercheurs ont créé un système de « drapeaux » [3]. Il nous parait possible d’élargir ce système à tout motif de consultation dans le champ pédiatrique en nous appuyant sur les données actuelles [4].

 

Favoriser les expériences positives

Nous l’avons vu, nos expériences   ont une incidence sur la façon dont nous percevons le   monde.    Ces   expériences peuvent être vécues directement (« en soulevant une charge, je me suis fait mal au dos ») ou indirectement (« mon père a régulièrement mal au dos, car il soulève beaucoup de charges »). Nous parlons alors d’apprentissage social dans la mesure où ces représentations nous viennent de notre environnement [5]. Celui-ci peut également se faire par les messages que véhicule la société, les médias, mais aussi les professionnels de santé. Il nous apparait alors évident que nous devons choisir avec soin le vocabulaire que nous utilisons avec nos patients et les explications que nous donnons.

Ayant une expérience du monde limitée, les enfants sont probablement particulièrement sensibles aux informations provenant de leur environnement, qui auront un impact sur leurs croyances, l’image qu’ils ont d’eux-mêmes et leurs comportements. Les théories bayésiennes suggèrent que ce modèle interne est en constante « mise-à-jour » en fonction des expériences vécues [6].

Nous avons pour responsabilité de ne pas alimenter des cognitions qui auront un impact négatif comme l’anxiété, l’évitement, le sentiment d’avoir un corps fragile… Nous avons également l’opportunité de valoriser et de favoriser les expériences positives, l’idée que le corps est solide et adaptable et, dans la mesure du possible, le maintien des activités.

Il s’agit également de mettre le focus sur ce qui va bien et sur les solutions possibles.

Alliance thérapeutique

Ce changement d’approche a pour préalable la construction d’une relation de qualité que nous nommerons « alliance thérapeutique » [7]. Celle-ci favorise le dialogue, la collaboration et l’adhérence au traitement. Il est probable qu’elle conditionne en partie la réussite de celui- ci.

Lorsqu’on interroge les jeunes patients et les parents sur leurs attentes en matière d’alliance thérapeutique, ils mettent en avant la nécessité de se sentir en confiance. Pour cela, ils attendent du professionnel des compétences techniques, mais également relationnelles et communicationnelles. Ils souhaitent également prendre part à la prise de décision et, pour les parents, connaitre précisément leur rôle dans la thérapie [8].

L’alliance thérapeutique va se nouer autour du principe de triade évoqué précédemment. Dans la relation patient-praticien, le thérapeute se doit d’adapter sa communication au niveau du développement cognitif et affectif de l’enfant.  Il devra également prendre en considération les attentes et les éventuelles réticences des parents. Il veillera également à entretenir un climat de

confiance entre tous les acteurs du projet thérapeutique. Enfin, la consultation peut permettre d’observer et d’évaluer la qualité

de la relation patient-parent qui peut être

déterminante dans la compréhension du motif de consultation et dans le choix des options thérapeutiques.

Conclusion

Longtemps, nous   n’avons   considéré les motifs de consultation que dans leurs dimensions biologiques en nous appuyant uniquement sur des modèles patho-anatomiques de dysfonctions, de défauts d’appuis, de postures, etc. Cela ne nous a offert qu’une vision partielle des phénomènes, a limité notre champ d’action et ne nous a pas permis de répondre à certaines problématiques de nos patients. Le modèle biopsychosocial propose une approche centrée sur le patient intégré dans son environnement. Dans le cadre de la consultation pédiatrique, il nous paraît indispensable d’évaluer non seulement les cognitions de l’enfant, mais également celles de son entourage, car elles sont en constante interaction. Le choix des objectifs thérapeutiques et les moyens doivent également être déterminés en collaboration avec tous les acteurs et dans le respect des attentes de chacun et de leurs possibilités.

Nous pensons que notre rôle est de créer l’expérience la plus positive possible en validant et valorisant les savoir-faire et les acquisitions de l’enfant, dans ce temps où se construit l’image qu’il a de lui-même et son rapport au monde. Nous nous devons d’adopter un discours et des moyens thérapeutiques ayant pour but de le renforcer et de favoriser son développement et l’acquisition de nouvelles compétences.

 

 

Bibliographie
  1. Donnelly , Parent cognitive, behavioural, and affective factors and their relation to child pain and functioning in pediatric chronic pain: a systematic review. PAIN. 2020.
  2. Goubert L, Simons LE. Cognitive styles and processes in paediatric pain. Oxford Textbook of paediatric pain. 2014;: 95
  3. Haute Autorité de Santé. has-sante.fr. [En ligne].; Disponible sur: https://www.has-sante.fr/ jcms/c_2961499/fr/prise-en-charge-du-patient- presentant-une-lombalgie-commune.
  4. Liossi , Pediatric Chronic Pain: Biopsychosocial Assessment and Formulation. Pediatrics. 2016.
  5. Monestès , Modèles cognitifs et comportementaux dans la compréhension du phénomène de douleur chronique. 2005;: Douleur p.
  6. L’esprit predictif : introduction à la théorie du cerveau bayésien. L’encéphale. 2022;: 436- 444 p.
  7. Bioy A, Bachelart L’alliance thérapeutique : historique, recherches et perspectives cliniques. Perspectives Psy. 2010;: 317-326 p.
  8. Crom Between the Lines: A Qualitative Phenomenological Analysis of the Therapeutic Alliance in Pediatric Physical Therapy. Physical & Occupational Therapy In Pediatrics. 2020.
  9. Engel GL. The Need for a New Medical Model: A Challenge for SCIENCE. 1977.